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Daria Lippi

Daria Lippi

Mon penchant pour la recherche basée sur les faits est héritée : je grandis dans une famille de chercheurs, universitaires et non, qui exige de moi que je puisse argumenter la moindre de mes positions et préférences. Ainsi ma passion pour le corps et la pratique à la première personne est peut-être de l’ordre de la rébellion : en étudiant la danse, classique puis contemporaine, je choisis le domaine dans lequel j’étais sans doute le moins douée. La danse (mieux : celles qui me l'ont enseignée : Daniela Boensch e Teri Weikel) m’apprend à aimer les choses difficiles et longues à conquérir, et me fournit le seul bagage technique pour aller au plateau en tant qu’actrice, avant que, bien plus tard, je ne commence à m’intéresser aux outils. Dans une Italie où le théâtre contemporain se nommait “expérimental” et était cantonné à quelques lieux marginaux, j’ai la chance de grandir dans une petite ville à l'avant-garde, de fréquenter très jeune Grotowski, Barba ou Brook et surtout de prendre en pleine gueule les spectacles de Pina Bausch. Je commence le théâtre dans une troupe, celle de Thierry Salmon à Bruxelles, et je continue dans une autre, le Ballatum Théâtre de Guy Alloucherie et Éric Lacascade, qui se dissout en arrivant à la tête du CDN de Caen. Je suis Lacascade, avec un noyau d’actrices et d’acteurs qui s'élargit au fil de la vingtaine d'années de travail commun. La méthode m’enthousiasme : les actrices et acteurs explorent tous les rôles et en créent les partitions, la distribution se faisant assez tardivement. Mais le succès, le confort ou peut-être tout simplement le temps finissent par en avoir raison. Ne trouvant pas comment continuer à apprendre, je reste dans la troupe et je passe du côté de la mise en scène, “collaboratrice à” comme on dit, tout en continuant à jouer. Ce double placement est fondamental : si je vole les instruments de la composition (ils ne me sont pas offerts), je perçois aussi que le manque d’outils et de technique de jeu que j’attribuais à ma formation “sur le tas” est en fait structurel. Le passage par l’ENSAD du TNB, où je suis une promotion pendant trois ans en tant que pédagogue et responsable de la recherche, renforce ma conviction que le nôtre est un artisanat qui ne connaît plus ses outils. Je commence alors à chercher une méthode. Au sein de l'École, où j’organise neuf laboratoires, j’expérimente la transdisciplinarité. Avec un groupe d’actrices de la compagnie je teste des protocoles de travail entre pairs. Ces deux expériences, et le constat du rétrécissement inexorable des possibilités de faire recherche dans le circuit institutionnel, m’amènent à le quitter pour fonder la faa.