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Autonotation - Laboratoire

du 3 au 13 juin 2019

Yves Delnord>< Daria Lippi et Juliette Salmon / Émilie Prevosteau, Virginie Colemyn, Slimane Majdi, Agathe Paysant et Marion Bottelier, Pauline Desmet

Comme tous les laboratoires de la FAA, le Laboratoire Autonotation rassemble des pairs, ici huit acteurs professionnels dont cinq font partie des Laboratoires d’Aubervilliers, structure qui, comme la FAA, se préoccupe de la question «que fait l’acteur ?». 

Les matinées sont dédiées à l’apprentissage du tir de précision avec Yves Delnord. Nous nous rendons au club de tir, où Yves commence par nous parler une ou deux heures. Ces conversations, car nous posons des questions et intervenons pour faire des parallèles avec notre métier, sont un mélange infiniment riche de technique, d’anecdotes savoureuses tirées de l’immense carrière d’Yves en tant que tireur et entraineur, et surtout de bases théoriques qui tirent leurs sources des neurosciences, de la génétique, de la physiologie, de l’éthologie, de l’histoire du travail... et de sa profonde connaissance du fonctionnement humain en situation de performance. Puis nous passons au stand de tir, où nous suivons un cours pour les débutants que nous sommes (carabine assise puis début, pistolet assis), cours qui ne cesse d’émerveiller les moniteurs et membres du club qui viennent volontiers payer hommage à Yves.

En quoi la pratique du tir est-elle intéressante pour nous acteurs?
Le tir est le sport individuel par excellence : les conditions ne varient pas ou presque pas (tous les stands de tir du monde se ressemblent), et mon comportement n’influence pas les adversaires. C’est une performance que je mène seule, qui développe donc une connaissance très fine des fonctionnements internes, physiques et mentaux. En résumant outrageusement, ce qui nous intéresse en tir c’est : la stabilité (proprioception, ou perception de notre corps), la respiration (proprioception lors des processus dynamiques), la visée (intention), et surtout la capacité à refaire. Ce que nous avons en commun, bien entendu, est l’état de performance. Mais ce qui nous intéresse encore plus est la pratique du cahier d'autonotation. 

 

Le cahier d'autonotation des tireurs

Lanny Bassham est un tireur américain qui en 1972 rate la médaille d’or aux champion- nats olympiques de Munich. Conscient que la cause de son échec est mentale, il se met à la recherche d’un enseignement sur le contrôle de l’esprit sous pression. Ne l’ayant pas trouvé, et fort de ses études en psychologie, il com- mence à interviewer les médaillés d’or olympiques pour découvrir ce qu’ils faisaient différemment pour gagner. C’est ainsi qu’il élabore son cahier, qui l’accompagne en toute circonstance, entraînement ou compétition, compétition qu’il domine par la suite avec 22 titres et quatre records du monde. Yves Delnord, qui a fréquenté Bassham, nous explique jour après jour, en s’appuyant sur ses propres études et recherches, pourquoi et comment cette forme de préparation mentale à la performance est efficace et profondément révolutionnaire. Un cahier par saison, une page par session de travail, que ce soit entraînement ou match. Trois chapitres : événements, réussites, commandes (ou projets ou solutions). Les notes sont prises immédiatement après la séance (Yves nous raconte qu’aux jeux olympiques Bassham prenait ses notes avant même de démonter sa carabine). Voici ce que contiennent les trois chapitres dans la perspective du tir, avec les mots d’Yves Delnord.

Les événements
"Ce sont les choses qui se produisent pour la première fois. Ça couvre toute son activité, par exemple un nouveau lot de plombs qui a une caractéristique qui lui plaît, la première fois où il met deux dix de suite : c’est noté. Ce chapitre peut être vide."

Les réussites
"Toujours rempli. Je n’ai jamais trouvé une journée, la pire soit-elle, où je n’ai pas eu au moins une réussite. Il faut noter immédiatement après car les mémoires sont labiles. Elles sont amenées à disparaitre si elles ne sont pas renforcées car l’organe de transfert de mémoire est aussi un organe de tri et d’élimination." Ce chapitre permet de constituer une bibliothèque de compétences, qu’on peut ressortir une prochaine fois si la difficulté se représente.

Les commandes (ou projets, ou solutions)
"C’est de cette façon que Bassham utilisait les échecs. C’est une ruse suprême dans le cadre d’une éducation (la notre) basée sur la culpabilité de l’échec. Je suis un être faillible, mais plutôt que de noter et décrypter l’échec, j’ai une solution et je vais me passer commande de la solution. Une commande consiste en ceci : la prochaine fois que la difficulté va se représenter (le tir est chronique, les situations sont peu variées), plutôt que de la craindre je vais rendre la solution disponible. Et si la solution n’est pas disponible parce que ce n’est pas mon niveau, c’est un projet pour la saison prochaine, quand je prépare la suivante et j’entraîne ma technique."

 

Le cahier d'autonotation des acteurs
L'après-midi nous nous servons de plusieurs matériaux scéniques (pratiques d'entraînement, séquence dansée, monologues, scène de groupe), et cherchons à traduire le cahier pour le jeu. Après de nombreuses tentatives d'élaboration de critères spécifiques, nous nous apercevons que le cahier n'a pas besoin d'être traduit, il fonctionne parfaitement pour nous comme pour les tireurs. 

L'autonotation est devenue une pratique quotidienne à la faa. C'est un outil majeur de progression autonome. C'est la première pratique décrite dans l'ouvrage JOUER, et les réflexions que nous avons menées avec Yves sont à la base d'un grand nombre de chapitres (Compétences, Continuité et discontinuité, Niveaux, Réussite et échec, Confort et inconfort, Héritages, Automatismes, Talents, Peur et confiance, Ennui et curiosité, Performance et compétition).